Après les conquêtes d'Israël par les Grecs d'abord, puis par l'empire de Rome, les juifs furent expulsés hors de leur terre. Au cours de ces périodes d'exil, des communautés juives plus ou moins importantes se sont établies aux quatre coins du monde : c'est ce qu'on appelle la Diaspora (Galouth גלוּת).

Il existe plusieurs différences dans la pratique du judaïsme, selon que l'on se trouve en Israël ou en Galouth, car de nombreuses mitsvot (commandemants divins) ne s'appliquent que sur la terre d'Israël, lorsque le peuple juif y est souverain. Mais certaines autres différences trouvent leurs sources dans l'Histoire. C'est en particulier le cas des jours fériés (yom tov) des fêtes. En Galouth, les jours fériés de Pessahh, Shavouot, Souccot et Shmini Atsérêt sont doublés.

Cette distinction entre Israël et Galouth a deux principales raisons.

Historiquement, lorsque les mois étaient officiellement annoncés par le Sanhédrine, qui demeurait à Jérusalem, il fallait du temps aux messagers pour propager l'information à l'étranger, si bien que les dates des fêtes étaient souvent incertaines à une journée près. Or, lors de l'avènement du calendrier calculé, ce phénomène s'est mué en coutume que les rabbins ont ordonné de perpétuer(*).

D'autre part, l'on peut y voir une source plus spirituelle. Certaines mitzvot sont étroitement liées à la terre d'Israël, et l'on considère parfois qu'il est plus difficile de s'imprégner de la grandeur de D.ieu et de la sainteté de Sa loi lorsqu'on n'est pas en Israël. Pour cette raison, les Rabbins ont décrété que ces jours de convocation sainte seraient doublés en Galouth, afin de permettre aux juifs du monde de mieux ressentir la valeur de ces fêtes.



Pour approfondir  
* D'où provient la loi rabbinique d'observer deux jours de yom tov ?
Abbaïé explique dans Betza 4b[68], qu'à l'époque où les juifs qui habitaient Jérusalem et ses environs, débutèrent l'application du calendrier par le calcul, ils envoyèrent des messagers à Babylone et ailleurs, pour y sommer les juifs de veiller soigneusement à continuer d'observer deux jours, pour deux raison : perpétuer les habitudes (minhag) de leurs pères, et anticiper un éventuel mauvais décret de la royauté locale, qui empêcherait les juifs d'étudier la Torah, et ainsi leur feraient oublier les fondements de l'observance des mois et des fêtes.

Il me semble que ces deux raisons procèdent de deux notions essentielles à l'idéologie juive.

D'une part, le principe de la transmission de génération en génération, est absolument fondateur. C'est un thème central de la Torah, puisque D.ieu Lui-même transmet Sa loi à Moshé, en même temps que la charge de la transmettre à son tour à sa génération, puis chacun à ses enfants[69], et ainsi de suite. L'emploi du présent dans ces passages de la Torah, ainsi que des termes "aujourd'hui", "demain", indique le degré d'importance du principe de transmission.
C'est certainement en vertu de ce principe que le Sanhédrine avait décidé d'envoyer les messagers demander aux juifs de Diaspora de maintenir les habitudes de leurs ascendants avec autant de foi et de vigueur que les commandemants de D.ieu donnés directement à Moïse.

De l'autre, le fait que le Beth Din évoque le risque d'oubli des lois relatives à la sanctification du mois lors de l'apparition de la lune, nous éclaire sur la place qui a été faite au calcul : s'il est fondamental de se souvenir des lois et des méthodes originelles, c'est qu'elles redeviendront en vigueur dans des temps futurs. Le calendrier calculé ne saurait être qu'un palliatif provisoire, confortable et sécurisant, et qui ne sera d'ailleurs probablement pas remis en question ; mais la sanctification du mois par l'homme, prononcée depuis Jérusalem et la Maison de D.ieu, est un élément important de la relation quotidienne du peuple juif avec le Créateur. A ce titre, lors de la Délivrance apportée par le Messie, cette sanctification reprendra son rôle. Il apparaît donc clairement que la requête envoyée par le Sanhédrine aux juifs de diaspora, visait à les mettre en garde de ne pas oublier, en dépit des souffrances et des haînes endurées, que le Messie viendra et que D.ieu libérera Son peuple comme promis.


Il est intéressant de noter que c'est la combinaison des deux thèmes, qui a conduit les Rabbins à décréter la loi du deuxième jour de fête. Les habitants d'Israël, sur qui pèse tout autant une nouvelle menace d'expulsion de leur terre aujourd'hui encore, n'observent qu'un jour de Yom Tov, car de tous temps les juifs d'Israël ont observé un seul jour, conformément au texte divin, ce qui n'amoindrit pas le devoir d'étude de celles des Lois de la Torah qui ne sont provisoirement plus appliquées, et le maintient de l'attente du Messie.